Chronique : WOLVES IN THE THRONE ROOM – Thrice Woven ( Artemisia Records ) note : 8/10

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Le black metal, comme tous les styles dit « confidentiels » et iconoclastes, n’a jamais aimé le changement, l’évolution ou le mélange. Ce qui amène, en permanence, pléthores de controverses et de débats. Dès leurs débuts, les Américains de WOLVES IN THE THRONE ROOM ont été touchés par ce syndrome dit « du nouvel arrivant ». En effet, en matière de controverse, le groupe d’Olympia dans l’état de Washington avait, à l’époque, clairement divisé la scène black. Ridiculisés d’une part par ceux qui trouvaient prétentieux, futile et donc « un-trve » leurs préoccupations environnementales et, d’autre part, haïs par ceux qui trouvaient que le groupe diluait beaucoup trop les sonorités de base du « métal noir » dans une tentative d’évolution artistique plus personnelle.

Mais ces critiques, plutôt ennuyeuses et vraiment inutiles au final, avaient été balayées d’un geste par la persévérance du groupe ( composé principalement des frères Aaron et Nathan Weaver ) alors qu’il dévoilait en 2011, son quatrième album, le cultissime « Celestial Lineage ». Considéré comme l’un des meilleurs enregistrements de black metal des temps récents, il avait réussi l’exploit de faire taire un grand nombre de détracteurs grâce à sa force de conviction et une incroyable démonstration d’efficacité. On ne put malheureusement pas en dire autant de « Celestite » paru en 2014. WITTR y avait opéré une nouvelle mutation, très ambiante, certes agréable à l’écoute mais très peu satisfaisante pour sa fan-base black. Ce fût par ailleurs un mouvement extrêmement confiant voire désinvolte pour un groupe qui venait à peine de conquérir une scène notoirement difficile à satisfaire. Mais voilà que trois ans plus tard, les frères Weaver, qui semblent avoir un intérêt significatif pour la dark-ambient, nous sortent un nouveau projet dédié uniquement au style : DROW ELIXIR. Ce qui laisse donc présager un retour des « Loups » vers le métal le plus noir… L’histoire reprend donc maintentant avec l’arrivée de « Thrice Woven ».

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Après 3 ans de retraite dans les forêts et montagnes de l’état de Washington, tentant d’échapper à une civilisation trop envahissante, le nouveau WITTR est la promesse d’un retour force, dans une version plus sauvage et étincelante qu’auparavant. Et on peut le dire d’entrée de jeu, « Thrice Woven » va satisfaire toutes nos attentes, quelles soient stylistiques ou artistiques. WITTR opère un véritable retour aux sources, aux racines de son mal tout en réussissant à conserver cette unicité qui a fait sa célébrité.

On retrouve alors logiquemment tout les éléments froids et gelés insufflés par leur influences nordiques mais également un certain degré de chaleur dans les sonorités, certainement dû aux apports de synthés grandioses et omniprésents. Sur « Woven Thrice », WITTR réussit à évoquer les images de couchers de soleil sur les forêts de Washington, la pluie ruisselante sur les pins, le feu crépitant, les vagues déferlantes qui s’écrasent contre les falaises escarpées, le ressac et les grands espaces. Bien loin sont les fjords et les montagnes enneigés de Scandinavie, et c’est là tout l’intérêt du groupe, il nous transpose dans son univers, dans son identité, ne cherchant absolument pas à être une pale copie du black metal nordique. À titre d’exemple, le colossal « The Old Ones Are With Us », le climax de l’album selon moi, où le son de guitare puissant dessine cet univers sonore distinct et hypnotique, le groupe réussit à (re)créer un monde autour de lui, son monde, transformant l’écoute en une expérience totalement immersive. Là où trop d’album de black métal s’éternisent ou sont sujets à de fortes inégalités dans la composition, les 43 minutes de « Thrice Woven » sont étonnamment fluides, on est comme pris dans ce tourbillon de feu et de glace, d’eau et de terre, de vent et de roche.

Selon moi, « Thrice Woven » est une célébration du viscéral et de l’élémentaire, un lien entre nature et passé à travers des paroles quasi-mythologiques et une « médiévalité ambiante », entre crépitements de flammes, battements d’ailes et vagues écrasantes. Tout cela s’ajoute à cette batterie tempêtueuse, à ces cris glaçants, et enrichi un son déjà très dense et dynamique, aussi éthéré que furieux. . Que ce soit l’intro de guitare acoustique de « Born From The Serpent’s Eye », les violons pesants de « The Old Ones Are With Us » ou la harpe de « Mother Owl, Father Ocean », il y quelque chose de magique à l’oeuvre, quelque chose d’envoutant qui s’empare de votre esprit. De même, les superbes contributions de Steve von Till de NEUROSIS et d’Anna Von Hausswolff prouvent que ce trio « black-gaze » a une vision extrêmement globale de son art et qu’il n’hésite pas à venir l’enrichir lorsqu’il sent que cela est nécessaire, et ce pour notre plus grand plaisir. En cela « Thrice Woven » est magnifiquement écrit, folklorique, aussi sombre que lumineux, sinusoïdal, cryptique, parfois noueux. En tout cas, il nous réconcilie et nous replonge dans tout ce que nous avions aimé de l’esthétique du groupe depuis la sortie de « Diadem Of 12 Stars », il y a maintenant dix ans.

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« Thrice Woven » prouve que WITTR sont bien maîtres en leur demeure, il plonge l’auditeur dans un rituel quasi-mystique, une exploration visuelle et sensorielle, un appel vers les grands espaces, une chose purement transcendantale, une collection de chansons qui met en vedette l’évolution d’un groupe. Il vous laissera en pleine lévitation, comme paralysé et si il n’est clairement pas une réinvention totale du son du groupe, « Thrice Woven » est en tout cas une preuve spectaculaire de la puissance et de l’efficacité continues de leur black metal.

 

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