Annoncé il y a quelques mois comme le projet solo de Jacob Bannon, chanteur émérite des légendaires CONVERGE et artiste graphique de talent, WEAR YOUR WOUNDS se déploie comme une sorte de compilation de notes et de pensées accumulées au fil du temps par l’artiste. Pour le coup, on s’attend donc à quelque chose de très personnel, un peu comme la lecture coupable du carnet secret d’un ami de longue date. Afin de l’aider dans cette lourde tâche, Bannon a su s’entourer de divers amis et musiciens, tous reconnus dans les milieux du hardcore et du metal, dont son compère de toujours Kurt Ballou ( CONVERGE ) mais aussi Mike McKenzie ( THE RED CHORD ), Chris Maggio ( TRAP THEM, COLISEUM ) et Sean Martin ( ex-HATEBREED, TWITCHING TONGUES, KID CUDI ).
Alors comment doit-on appréhender WEAR YOUR WOUNDS ? Comme un énième super-groupe sans intérêt et en mal de reconnaissance ou tout simplement une nouvelle étape dans la vie de l’artiste Bannon ? Sans hésiter, j’opterai pour la seconde option car l’oeuvre présentée ici est loin d’être formatée ou destinée à séduire les foules. Atypique, elle ne peut pas non plus s’ancrer dans une quelconque démarche mercantile. Au contraire, elle se veut le reflet même des pensées de son auteur et est donc à ranger du côté de l’épopée musicale, un voyage sur des terres bien éloignées de la rage et du chaos convergien auquel l’artiste nous a habitué tout au long de sa carrière.
Auréolé du succès de la tournée « Blood Moon » de CONVERGE où le groupe a interprété, avec pléthore d’invités, ces titres les plus lents, les plus mélodiques et les plus ambitieux, Bannon a surement ressenti le besoin et l’envie d’aller au fond des choses voire au fond de lui-même et donc de nous livrer son projet. Ainsi, il vient poser son chant pour mieux nous donner à voir une oeuvre singulière, la plus personnelle et celle où il prend le plus de risque puisqu’elle s’éloigne nettement de sa zone de confort. WEAR YOUR WOUNDS va donc plutôt avoir tendance à s’attirer les faveurs des voyageurs de l’âme, ces amoureux des grands espaces, ces déserts où solitude et réflexion règnent, indissociables.
C’est donc caché sous une épais brouillard d’effet que nous retrouvons Jacob Bannon. Sa voix claire , pour une fois, se veut timide et hésitante, l’homme se livre pour la première fois de cette manière. Mais le piano épuré et les nappes de claviers ambiantes ainsi que les petites boucles de guitares minimalistes restent la principale source musicale et mélodique de WEAR YOUR WOUNDS. Très certainement composés derrière un piano, les titres sont lents, mélodiques, et seuls quelques arrangements ont dû y être ajoutés par la suite afin de gagner encore en profondeur et d’avoir donc le rendu désiré. L’oeuvre est faite tout en crescendo, elle se tempère entre chaud et froid, entre post-rock et lo-fi, mais avec quelques « explosions » bienvenues où guitares et batteries viennent réchauffer les corps blessés de l’auditoire.
Point de démonstration technique, ni de dureté, WYW est simple, éthéré, fantomatique. Et au final, c’est bel et bien la tristesse qui vient enrober l’auditeur. Vous l’aurez donc compris l’album est assez difficile d’approche, non pas par son contenu mais bien par son état d’esprit, sobre et mélancolique. Bannon mise tout sur le ressenti en couchant sur portée le poids de ses blessures. Et c’est « empêtré » dans la profondeur de son spleen qu’il finit par nous affecter également…
Pour autant, cela n’exclut pas l’immixtion d’un renouveau à travers la douleur, d’une renaissance au-dessus des nuages comme sur « Best Cry Of Your Life » ou la touchante « Goodbye Old Friend », comme sur « Iron Rose » et son obsédante, frappante boucle de batterie ou encore la douceur de « Shine » et la martiale, glaciale « Heavy Blood » ou l’étirée « Breaking Point » avec ses notes de guitare qui vous laisseront, à jamais, en apesanteur. Si elle n’est pas des plus joyeuses ou des plus originales, cette oeuvre réellement à part a le mérite d’être belle et sincère, on y rencontre l’homme qui se cache derrière le musicien, certes imparfait mais honnête.