La Malterie, au cœur de Lille, accueille des artistes de toutes sortes en résidence, aussi bien des plasticiens que des photographes, et, bien sûr, des musiciens. Puisque ce samedi 1er mars, c’est du Rock Noise que cette structure avant-gardiste nous propose de découvrir, comment ne pas soutenir la comparaison avec Fort Thunder, ce grand entrepôt réhabilité qui a abrité, entre autre, les grands Lightning Bolt ? C’est donc non sans curiosité que, jauge limitée oblige, nous arrivons en avance. Bien trop en avance, puisque si l’ouverture des portes est bien à 20h30 (et des poussières, on va pas chipoter), le concert en lui même ne débutera qu’à 21h passées. Pas de « grmbl » de mécontentement, puisque cela laisse le loisirs d’admirer l’architecture du lieu et son atmosphère cosy : des fauteuils, un bar spacieux, le plafond est bas mais l’aménagement permet de ne pas s’y sentir claustro, et devant les yeux du public qui arrive au compte goutte (37 participants annoncés sur l’avènement Facebook, et c’est fidèle à la réalité cette fois), un bric à brac d’objets, de guirlandes lumineuses et de tables de mixage …

Le terrain de jeux

Le terrain de jeux

Toys R' Noise 2

On peut également voir un canard en peluche, un ours/éléphant (je n’arrive pas à déterminer quelle bestiole c’est), un mini jardin multicolore avec photophores suspendus, et si le fond musical d’avant concert est celui d’un bon rock de derrière les fagots (playlist non identifiée mais cependant très agréable), un ampli chante tout seul… Le staff est très souriant, le public ne semble pas s’impatienter, et enfin les lumières baissent.

Toys R' Noise

Trois personnes, une bonne cinquantaine d’accessoires (ou alors j’ai un kaléidoscope greffé aux yeux), et le set débute avec de la guitare joué à la baguette (oui oui), le deuxième gaillard produisant des sons indéterminables sur une sorte de boîte dont je-ne-connais-pas-le-nom. Les lumières sont rares et principalement en arrière plan, et la musique bruitiste des trois lillois de Toys R’Noise s’accompagne donc de jeux d’ombres chinoises.

Toys R'Noise

Toys R' Noise

Avec force filtres sur la voix et l’utilisation d’« instruments » atypiques (voilà donc pourquoi il y avait des jouets et peluches : des peluches qui parlent et auront donc leur moment de participation au set), en fermant les yeux on se croirait entourés d’oiseaux-cyborgs et autre animaux robotiques, pour une plongée dans la musique du futur. Mélange de Sunn O))) et de Matmos, on assiste plus à une performance artistique qui s’assimilerait de la sculpture sur son, qu’à un concert à proprement parler. Pour être expérimental, ça l’est, et difficile de l’être moins. On passe de moments rythmiques aux accents tribaux à du pur atmosphérique, des bruitages industriels à l’utilisation d’un clavier de jouet pour enfant en un clin d’œil. Ce cher Malraux était partisan du choc esthétique, de l’œuvre exposée sans médiation : m’est avis que dans ce cas précis, une petite explication de la démarche aurait pu être utile. Une expérience sensorielle, une performance de presque une heure, qui repousse les limites de la musique et questionne l’évolution de cette art si codifié, et des règles à transgresser pour la création de quelque chose de nouveau.

Toys R'Noise

Toys R' Noise

Brève de concert : « Franchement je préfère 100 fois aller à un concert de Patrick Sébastien ». On ne peut pas plaire à tout le monde …
Dans le hall/fumoir de La Malterie il y a également des auditeurs bien plus enthousiastes envers Toys R’Noise : dans tous les cas, difficile d’y être indifférent. Jetez-y une oreille sur le bandcamp de Tandori Records, ou allez voir ce que ça donne en live (de préférence : écouter un album de Sunn O))), ça ne rend pas pareil que de sentir tous ses vêtements trembler et prendre vie devant leurs 18 amplis empilés sur scène).

Après avoir débarrassé tout l’attirail des malmeneurs de son de Toys R’ Noise, on a l’impression que la batterie dans le fond de la salle doit se sentir bien seule. Changement de registre avec l’entrée en scène des Henry Blacker, un trio également, mais simplement équipé du minimum pour un groupe de Noise Rock : une guitare, une basse, une batterie, et un chanteur à la voix rocailleuse.

Henry Blacker

Henry Blacker

Henry Blacker

Le public est clairsemé, mais énergique, et les musiciens sont manifestement en forme. La configuration de la salle permet une grande proximité entre les musiciens et le public, et les lumières qui animent le plafond voûté des ombres des musiciens créent une atmosphère intimiste qui contraste avec la musique « rock garage » des Henry Blacker. Gros contraste également avec le groupe de première partie de soirée (pourquoi d’ailleurs cette double affiche, si ce n’est pour accentuer un contraste). De l’électro-bruitiste-minimaliste de la première partie, on passe à du rock pur jus. Henry Blacker, composé de membres de Hey Colossus et de Reigns, propose une musique toute en rythmiques saccadées et gros son saturé de guitares hurlantes.

Henry Blacker

Henry Blacker

Au chant, on alterne entre du chant parlé/fredonné/hurlé. Sur certains morceaux, on pourrais penser à du metal « southern », le son est parfois bien lourd et puissant. Une certaine déception cependant : pas de surprises, les morceaux sont assez semblables les uns avec les autres. On regrettera également un set très court. Une demie heure sans le rappel, 35 minutes rappel compris. Ce qui est sûr, c’est que cette soirée aura fait voyager aux antipodes du vaste monde qu’est la musique, entre un groupe d’artistes vraisemblablement marqué par les expérimentations sonores de John Cage, et un autre purement rock garage, organique et puissant.

Durant cette soirée j’ai appris deux choses : ne pas se fier à l’auto focus quand il fait noir dans une salle, et garder l’esprit ouvert pour découvrir et apprendre. Un grand merci à Do pour l’accréditation (et un super contact), aux bénévoles de la Malterie très souriants, et aux musiciens pour cette soirée noisy-bizarre qui valait le détour, rien que pour la découverte d’un lieu qui semble riche en surprises et l’impression d’avoir passé le samedi soir à des années lumières de notre bonne vieille planète.

Catégories : Reports

Sly

Co-owner and redactor in chief