Photo par Sly
Glazart – Paris – 23/10/2012
Ufomammut est un OVNI difficilement identifiable. Quand les Unidentified Flying Object Mammouths montent sur la scène du Glazart avec leurs projections stroboscopiques et immanquablement hypnotisantes en arrière fond, il flotte d’entrée comme un air hérité du Space Rock des débuts de Pink Floyd. Ensuite, on repère dans les riffs pachydermiques qui s’enchaînent comme le fil conducteur de la soirée le fantôme psychédélique de Black Sabbath. Leur soupe cosmique prend alors la foule compacte mais restreinte au point d’à peine remplir la moitié de la salle. Tant la musique des italiens pleine de lourdeur entraînante et de répétitions peut être perçue comme ennuyeuse sur album, qu’elle prend un tout autre sens en live. Simple, punk dans l’esprit, psychédélique et atmosphérique, le set délivré ce soir-là se veut dark et mystique à souhait, avec la volonté affichée de communier jusqu’à la transe avec le public. On sent les heures passées à épurer un son, un arrangement pour coller au rythme de la respiration de la terre, au battement d’un cœur jusqu’à la convulsion des cordes de métal en harmonie avec les corps des danseurs du premier rang qui auront ressenti certainement l’extase libératrice que peut procurer cette musique. L’honnêteté des musiciens, leurs plaisirs de jouer à Paris ce soir-là étaient évidente. Alors qu’importe si Ufomammut reste indéfinissable et que la scène dans laquelle on les englobe porte des appellations multiples Doom, Psyché, Stoner, Sludge, car à n’en pas douter leurs multiples dieux tutélaires possèdent de quoi en envoûter plus d’un.
La deuxième partie de soirée nous réservait aussi une belle surprise, la venue impromptue d’un invité : Oxbow.
Écouter Oxbow est une expérience tellement intimiste, que l’on n’ose la partager en compagnie d’autres personnes tant la communion avec leur musique touche à l’émotion, évoque des images fortes et personnelles comme des matins froids après une nuit d’insomnie à ruminer seul sur son oreiller. Quand les californiens investissent la scène du Glazart, en guest de dernière minute, recasés ici après la fermeture d’une semaine du Point Ephémère, pour moi ils ont disparu des radars depuis 4 ans. Leur dernier album date de 2007 The Narcotic Story, et la presse ne faisant pas grand cas de leur sort, j’ai gardé en tête le physique de lutteur de cent kilos de muscle de leur frontman, et une musique à l’avant-garde d’un rock déstructuré, sans compromis, et incompréhensible pour le commun des mortels. La nuit se fait bleue et verte sous les spots, Eugene, le chanteur, impose sa masse dans un costume étroit, une mèche de cheveux gris au-dessus d’un visage de boxeur ayant pris des raclées au détour d’une vie tumultueuse, une lumière vivante dans les yeux lorsqu’il fixe l’assistance. Cuivres, cordes et bois l’entourent, l’Oxbow Orchestra formation éphémère de musiciens – le guitariste Niko Wenner l’autre partie de l’entité la guide en chef d’orchestre habité. L’expérience intimiste commence, on sourit, transpire et ferme les yeux transporté. La musique est bruitiste, noisy, rock, dérangeante et inhabituelle. Eugene Robinson chante une pièce de théâtre, place sa voix de velours, gémit. Cette musique bouleverse et répugne, mais pour qui ce soir-là voulait vivre une expérience intense, il fallait avoir le privilège d’être présent au Glazart.