Dark Jazz [8/10]
2012 @ Denovali
Faux frère-jumeau de The Kilimandjaro Darkjazz Ensemble avec lequel il partage la quasi totalité de ses huit (!) membres et dont il est tout à la fois le miroir et l’autre face d’une même pièce, The Mount Fuji Doomjazz Corporation est déjà retour un an à peine après le déconcertant Anthropomorphic. Quatrième opus du collectif, Egor est en réalité un enregistrement live (de discrets applaudissements trahissent ce format), capturé au Dom Theater de Moscou en avril 2011. La différence avec les albums studio paraissent pourtant infimes, ce qui n’est pas surprenant, les Allemands concevant leur art davantage comme un happening sonore, un laboratoire ouvert sur l’exploration qu’une collection de titres mis bout à bout. Des titres, il y en a néanmoins sur Egor, au nombre de quatre et voisinant chacun avec le quart d’heure (voire beaucoup plus). « Elevator Of The Machine », Knock By The Stairs », Cosmonaut » et « Glass Is Destroyed » sont leurs noms. Qu’importe en fait, tant ces pistes, toutefois identifiables les unes par rapport aux autres, ne semblent au final n’en former qu’une seule. Les écouter sans les morceler, au casque, dans l’obscurité, est l’assurance d’un trip aussi hermétique qu’halluciné. Entre la beauté de Succubus pour ces lointaines mélopées féminines et ces lignes de violon d’une sobre gravité et l’avant-gardisme de Anthromorphic pour cette structure lâche qui se délite, Egor est une œuvre qui se vit, se ressent plus qu’elle ne s’explique. La décrire tient de la gageure, exercice par ailleurs franchement inutile qui lui ôterait une bonne part de sa magie, de son mystère. De toute façon, nous sommes ici entre nous. De fait, si vous connaissez – et appréciez (mais cela va de paire) – The Mount Fuji Doomjazz Corporation et son pendant africain, alors cette topographie crépusculaire aux contours flous quelque part entre l’Ambient, le Drone, les expérimentations psychédélique du Pink Floyd le plus barré et le Darkjazz, ne vous étonnera pas. Ce qui ne signifie absolument pas que ce quatrième opus soit sans surprise, bien au contraire. Car même l’habitué se sentira tout d’abord perdu, égaré dans cette brume opaque que percent d’étranges bruitages (« Cosmonaut » et ses relents de cacophonie cosmique où l’on se demande quand même où les musiciens veulent en venir), avant que peu à peu, la beauté, immense, n’émerge au fur et à mesure d’écoutes de plus en plus passionnées. Unique et inclassable à tout le moins.