Photo par Sebastian Rojas M.
Zénith – Paris – 27/03/2012
2010 : Primus se reforme avec son batteur d’origine Jay Lane. Juin dernier : concert sold out à la Cigale. Décembre 2011 : yeehaaaaaaaaaaaw, ils reviennent en mars, cette fois-ci achat des places à l’avance.
Curieusement la salle du Zénith est certes remplie mais loin d’être pleine. Le montant de la place y est peut-être pour quelque chose. Le prix honteusement élevé du merchandising n’aide pas à digérer : Primus serait-il touché par la crise ?! Respirons et profitons du spectacle. Sur scène deux cosmonautes géants gonflés à l’hélium sont séparés par un écran blanc. Des lumières verdâtres s’allument sur un thème de Danny Elfman et on réalise que des visages sont projetés dans le casque des cosmonautes comme si des jumeaux vieillards nous fixaient en penchant la tête de temps à autre… Bienvenue dans un vieux film de SF entre dessin animé et expérimentations dérangeantes. Le ton est donné. Larry LaLonde arrive en scène tout droit sorti des années 90 avec son sempiternel pull grunge rayé, Claypool se pose à droite –fini les casques d’explorateurs et les lunettes de plongée, le bassiste arbore un look dandy, veston, petites lunettes rondes et chapeau melon. Heureusement le son est là et ne se fait pas attendre ! Dès les premières notes on est obligé de retrouver le sourire : comme l’indiquait l’affiche c’est An Evening with Primus, soit trois heures avec ces cinglés !
Excellente première partie consacrée aux premiers albums. Les titres s’enchaînent, le public est composé essentiellement de fans qui ne se font pas prier pour montrer leur contentement. Derrière les gaillards l’écran géant diffuse les clips. Au troisième morceau ils entament le cultissime ‘’Winona’s Big Brown Beaver’’ et son intro country. Première déception de la soirée : Claypool accélère légèrement son débit comme s’il voulait s’en débarrasser et au lieu de terminer en ovation, on reste légèrement choqué d’avoir vu ce morceau tout simplement torché. Heureusement le maestro se reprend avec l’excellent ‘’American Life’’, lourd de sens avec ses images en noir et blanc d’une Amérique-usine. LaLonde enchaîne les solos et les plans dissonants, apportant la « grunge touch » de Primus. Lane reste impeccable mais manque un peu de punch. Puis le roadie installe une petite contrebasse électrique pendant que Claypool s’éclipse dans le noir. Le bassiste revient vouté comme un Polichinelle, demi-masque de cochon sur le visage et archet à la main pour nous balancer un bon vieux ‘’Mr Krinkle’’. Après un dernier ‘’Harold of the Rocks’’, c’est l’entracte : le groupe laisse place à un épisode de Popeye sur écran géant, en noir et blanc. Ambiance old school bon enfant à laquelle tout le monde se prête. La voix de Popeye n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de Claypool. Puis un deuxième épisode. On sourit. Troisième. Ils sont en train de se barrer avec la caisse pendant qu’on poireaute devant Popeye et Olive ? Quatrième… Ça aurait dû s’appeler ‘’An evening with Primus feat. Popeye’’… Au bout d’une bonne demi-heure les lumières s’éteignent enfin. Au lieu d’attaquer avec un tube pour que la sauce reprenne, l’ambiance est résolument psyché-trans. Au début la maitrise des instruments et les lumières verdâtres donnent l’impression d’être devant un excellent jam, les trois gaillards prenant visiblement plaisir à jouer ensemble. Puis on réalise qu’ils nous jouent TOUT Green Naugahyde -leur dernier album. La transcendance n’a pas lieu, on finit par se lasser et avoir la sensation de n’entendre qu’un seul et long morceau. Le son est très bon mais il manque le groove primussien et les petites chorégraphies de Claypool qui nous font swinguer dans la fosse.
Au moment où on commençait à désespérer, l’album prend enfin fin et en récompense le groupe nous lâche ‘’My Name is Mud’’. Dès les premiers slaps d’intro, on sent un soulagement ambiant et le Zénith tremble comme au début du concert. Primus nous assène ensuite ‘’Jimmy was a Race Car Driver’’ et on se dit, la larme à l’œil tellement c’est bon : « Ca y est !!! On va les avoir nos tubes! » Et non. Le groupe se casse soudainement sans un merci ni un au revoir. Là encore, naïfs et émerveillés comme des gosses, on croit à une blague. Alors on reste. Mais le concert est bel et bien fini.
Morale de l’histoire : très professionnels, mais manque d’âme, absence frustrante de certains incontournables : ‘’Southern Pachiderm’’, ‘’Tommy the Cat’’… Et ambiance quelque peu plombée par la deuxième partie. Un léger sentiment d’arnaque mais le voile illusoire des slaps de M. Claypool fait qu’on a avalé la pilule sans s’en rendre compte. Finalement on s’est un peu retrouvé face à une bande d’Arsène Lupin : on sait qu’il y a eu de l’escroquerie mais c’était exécuté avec un tel panache qu’on les en remercie presque.