[ Chronique ] CULT OF LUNA – A Dawn To Fear ( Metal Blade Records )

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Comment se re-mobiliser, puiser en soi et trouver la motivation de créer à nouveau quelque chose de passionnant et d’intéressant lorsqu’on a produit un pur chef-d’-oeuvre ? Comment se dépasser à nouveau et se réinventer lorsque l’on sort d’un projet aussi fou et ambitieux que « Mariner » ( une collaboration avec Julie Christmas ) ? Et bien, c’est exactement la question que je me suis posé lorsque j’ai reçu ce nouvel album des petits génies du post-metal suédois CULT OF LUNA. Honnêtement, je ne sais pas si il y a vraiment une réponse à ce type de question car la qualité de « chef-d’-oeuvre » est forcément quelque chose de subjectif, que ce soit pour l’auditeur comme pour l’artiste. « Mariner » est fabuleux à mes yeux mais l’est-il autant à ceux des artistes qu’ils l’ont crée, ou n’est-il pour eux qu’une étape de plus dans le développement de leur art sonore ?

C’est en tout cas sous cet angle et avec cet état d’esprit que je me suis attaqué à l’écoute de « A Dawn To Fear ». Partons donc de la base : l’album sort trois ans après « Mariner » ( cf. notre chronique ), il est le huitième album du groupe et se compose de huit titres pour 79 minutes de musique. Pour le contenu, CULT OF LUNA a choisi de revenir avec la même formule : un post-metal progressif teinté de sludge, des titres qui s’étirent en longueur dans des proportions tout à fait épiques et exploratoires. Le groupe revient donc à ses mille-feuilles sonores, à sa fabrique de paysages qui comptent bon nombre de niveaux et de grilles de lecture. En gros, vous l’aurez compris :  c’est bon !

La musique y est très atmosphérique, texturée, submergeante et écrasante, pétrie d’émotions. Les aspects post-rock de CULT OF LUNA y sont clairement mis en avant ( plus que jamais ), reléguant un peu le côté expérimental et synthétique en arrière-plan. À cet égard, le groupe semble vouloir revenir à un son plus organique, plus « terrestre » après avoir pendant des années exploré mers et cieux. Les titres s’égouttent lentement, parfois fluides, parfois plus visqueux. Le voyage que le groupe essaye de sculpter tout au long de l’album me paraît moins limpide, plus dissimulé que par le passé. Cependant, ne doutez pas de la composition qui est parfaite, efficace et presque mécanique dans sa construction, tout me paraît prévisible mais pourtant libérateur… CULT OF LUNA est ici dans la maîtrise totale de son art.

Avec plus d’une heure de musique, je ne vais pas vous faire l’affront de rentrer dans une description longue et fastidieuse de chaque titre, de chaque passage… Je peux juste vous dire que c’est après deux premiers titres « classiques », que l’on pénètre vraiment dans le coeur du propos. Le titre éponyme ouvre un tout nouveau chapitre, libérant une ombre rock presque « sudiste » avec des nappes vocales claires, magnifique et intime. Tout en crescendo, on se prend les vagues de basse avant que la digue ne cède dans un déferlement post, doom ou je ne-sais-trop-quoi ! Un instant de pureté où se mêle tous ces débris sonores pour ne former qu’un tout, distordu et multi-face. De même, « Nightwalker » crée une ambiance obsédante et vaporeuse, une ambiance volatile qui peut faire chavirer à tout moment, et qui perdurera d’ailleurs sur le reste de l’album. Au rayon des pavés, nous avons aussi « The Fall », sorte de mélange parfait de tout ce que le groupe a jamais fait, masse difforme pleine de nuances qui aspire toute molécule vivante, ne laissant en guise de final qu’un grand vide autour d’elle…

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Comme je le disais en introduction, il me semble difficile de se relever d’un projet aussi ambitieux que l ‘était « Mariner », mais le groupe a apparement réussi à franchir ce cap en retournant à ce qu’il savait faire de mieux : sa musique. Il est donc resté fidèle à ce qu’il est, mettant tout son coeur dans oeuvre. De mon côté,  je n’ai pas forcément été surpris, mais j’ai eu ma dose de frisson et de satisfaction. À l’heure où j’écris ces lignes je ne suis pas encore convaincu d’aimer aussi éperdument « A Dawn to Fear » qu’il le mérite. L’album m’apparaît, sans nul doute, ( et je l’ai senti immédiatement ) comme une œuvre gigantesque, avec une densité énorme, une tonne de nuances, d’aspérités et de détails que je n’ai pas encore capté, mais que j’ai pour le moment eu du mal à comprendre pleinement. Je pense qu’il va falloir du temps pour digérer tout cela, du temps et de l’écoute. Au final, je me dis que si le groupe a réussi à créer en moi tout ce débat intérieur et à autant éveiller mon attention, c’est peut-être bien qu’il a réussi à m’avoir, subrepticement…

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