[ Chronique ] FANGE – Punir ( Throatruiner Records )

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Je dois avouer que je suis heureux de pouvoir écrire et parler du nouvel album de FANGE, épris depuis le début par le concentré de haine que le groupe propose à chacune de ses sorties. Étant donné que le paysage sonore français a la chance de posséder une entité aussi extrême dans son approche et dans sa musique, il apparaît évident que je me dois d’en faire une critique et une promotion à la hauteur du phénomène. C’est d’ailleurs avec de fortes attentes que je me suis plongé dans « Punir », impatient de savoir si le groupe allait poursuivre sur la même démarche artistique et continuer d’offrir cette mixture sonore infâme, ce mélange de sludge, de hardcore, de black, et j’en passe. Ce fourre-tout génial dont lui seul détient la recette…

Dès les premières secondes, et ce n’est pas forcément un mal, je trouve la chose plus audible. La batterie et la basse, brutes, offrent la chape de plomb nécessaire à l’élaboration du canevas de riffs emplis de bouillasse et de limaille de fer, le truc coupant et sournois par excellence. Les guitares ressortent mieux, moins glaireuses, plus fielleuses, granuleuses et métalliques. Les vocaux, en retrait, baignent dans un bruit absolu, sorte de brouhaha électro-technique déroutant. Malgré cette pléthore d’adjectifs qui peuvent paraître abstraits, l’ensemble sonne plus intelligible à mon oreille, mieux produit ou du moins produit différemment.

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Mais au-delà de la technique et de la musique à proprement parler, ce nouveau FANGE offre encore et surtout beaucoup de ressenti, de sensation de malaise… Avec « Punir », le groupe semble sortir de sa pataugeoire initiale, de son « Pourrissoir », pour développer encore un peu plus son discours et son art. Maniaque, il a nettoyé ses bottes à l’acide, les a retirées pour enfiler un costume un peu différent : celui de bourreau.

Rassurez-vous, il n’a pas pour autant perdu son côté sauvage et instinctif. La lame de son Opinel est toujours aussi rouillée mais elle se veut plus tranchante, prête à sectionner du muscle et à transmettre la poliomyélite à tout-va. Il me laisse comme un sentiment de toute puissance. Comme si le groupe faisait brutalement irruption dans une salle d’interrogatoire où vous êtes le détenu, il y place sereinement des enceintes crachant ses hymnes malfaisants. Alors, il prend les choses en main, accélère le rythme ou le ralentit à son bon vouloir. Parfois, il dépose une mélodie subtile, ou une espèce d’accalmie pour que l’on croit y déceler un sauvetage, faible espoir qui se transforme vite en douleur lancinante lorsque le bruit recommence de plus belle. FANGE mène une conversation à sens unique, il tord le temps et mêle les voix torturées, les mélodies et les bruitages sonores. Bourreau et victime s’amalgament alors dans un ensemble gluant, épais, rouge-sombre et glaçant. Grenat comme le sang qui jaillit d’une jugulaire tranchée.

Et nous dans tout ça ? La confusion et la souffrance qu’engendrent ce bruit assourdissant diffusé de façon continue se doublent d’un effondrement psychique total et voulu. On recherche la lumière, l’air, ce second soleil qui ne s’avèrera que le plafonnier blafard de ce huis clos bruyant et assourdissant. Au final, on acquiert « Punir » sous la torture. Ça marche, on avoue tout même l’inavouable.  

FANGE à travers ce nouvel album semble vouloir dominer l’Autre. Il a organisé sa musique, ses structures, dans le seul but d’exercer son pouvoir, d’imposer sa vision sans restriction, sans entraves et de jouir de sa brutalité sans que la partie adverse ( nous ) puisse manifester de résistance. « Punir » c’est prendre les coups de ceinturon, « Punir » c’est la peur de la matraque, « Punir » c’est faire croire qu’il y a une échappatoire,« Punir » c’est essayer de respirer avec un linge humide sur le visage, « Punir » c’est les chiens enragés, la bave aux dents et la mort dans les yeux, « Punir » c’est la cruauté et le pouvoir, « Punir » c’est se soumettre…

 

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