[ Chronique ] IHSAHN – Ámr ( Candlelight Records )

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Je ne cesse de le dire d’année en année, de sortie en sortie, Ihsahn est l’un des êtres les plus créatifs de la scène extrême et de la scène métal en général. Celui qui était derrière la musique d’EMPEROR et qui, à sa manière, a injecté au Black Metal un sens aigu de la théorie musicale, le tout à travers des éléments symphoniques et néo-classiques… Celui-là même qui n’a cessé d’évoluer, de partager et de créer, de s’éloigner de ses racines purement black en est devenu hyperactif, presque assoiffé. Ihsahn oeuvre désormais à faire connaître sa musique, progressive et avant-gardiste ; entre ses tournées avec EMPERORTHOU SHALT SUFFER, PECCATUM, HARDINGROCK et son projet solo IHSAHN, l’artiste trouve encore le temps d’enseigner la guitare, d’écrire des chroniques pour nos collègues de Guitar World et de travailler avec sa partenaire Heidi S. Tveitan qui dirige le label Mnemosyne Productions… Rien que ça !!

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C’est donc deux ans après la sortie du sybillin « Arktis. » ( cf. notre chronique ) qu’IHSAHN a choisi de revenir. Un nouvel et septième album qui, à première vue, pourrait sonner comme un retour vers quelque chose de plus sombre, de plus froid que son prédécesseur mais qui, vous le verrez, est certainement son album le plus ouvert et le plus mélodique. Baptisé « Àmr », la musique présentée ici reste cependant toujours aussi alambiquée et complexe, dans son approche comme dans sa composition. Après m’être penché sur la bestiole, je vais donc essayer de vous décortiquer ce nouvel opus…

D’emblée « Lend Me The Eyes Of The Millenia » percute l’auditeur grâce à une boucle électronique sombre et entêtante ainsi que des voix black sévères. Le titre est relativement extrême par rapport à ce que proposait « Arktis. », on retrouverait presque un semblant d’EMPEROR dans la composition ( et ce n’est pas nous déplaire ). La batterie sonne comme une véritable machine de guerre et vient encore appuyer le propos, ancrant définitivement ce début d’album dans un metal froid, dur et moderne. L’exécution y est parfaite mais toujours fougueuse. Le riff principal conserve le style massif du black tout en ne manquant pas de fureur et d’emphase, notamment sur les nappes synthétiques obsédantes qui viennent se superposer en crescendo frénétique. Toute cette maîtrise contribue à créer dès le départ un sentiment d’urgence, vibrant mais contrôlé jusque dans le moindre son, dans la moindre émotion.

« Arcana Imperii », la deuxième piste modère tout de suite le propos avec un riff principal puissant mais surtout une construction complexe et intrigante ; une randonnée vertigineuse avec courbes, pics et vallées. Des vocaux beaucoup plus variés, des choeurs séduisants apportent de la lumière au milieu des cris. L’équilibre entre les deux se révèle exquis à l’écoute et démontre une fois de plus la maîtrise totale d’Ihsahn sur son univers. « Sàmr », le troisième titre, vient alors vraiment calmer le jeu avec une rythmique mi-tempo à tonalité sombre. Certainement une des chansons les plus accessibles, presque tendre, tellement expressive avec des mélodies palpables, faciles à mémoriser et un solo de guitare époustouflant interprété par Fredrik Akesson d’OPETH.

« One Less Enemy » va aussi dans cette direction : des accents troubles et des guitares menaçantes, mais des voix harmonieuses et pénétrantes. Alors « Where You Lost and I Belong » se veut plus pensif, mélancolique ( on pourrait se rappeler un Jonathan Davis en forme ) avec un rythme encore plus lent. En arrière-plan se dessine un profond sentiment d’anxiété, un nouveau territoire pour Ihsahn qui vient créer un joli mur de son orné de synthés analogiques et de guitares douces. Un titre encore une fois très accessible, très indus-rock 80’s.

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« In Rites Of Passage » vient reprendre un côté plus electronica / indus-metal, qui pourrait même tirer vers la bande à Munkeby ( qui au-delà d’être le maître à penser de SHINING Nor. a souvent prêté son saxophone pour IHSAHN ) mais en moins jazz et avec des mélodies vocales claires et adoucies qui font la patte et toute la force d’Ihsahn. « Marble Soul » avec son riff ultra-puissant et son groove imparable réveille les troupes, tout en progression et avec un refrain hyper mélodique et percutant, simple et efficace. « Twin Black Angels » poursuit dans cette logique de « simplicité » avec de grosses sections analogiques développées par synthé et une guitare über-mélodique ancrée dans des sonorités très 80’s. Le chorus est haut en mélodie et le solo de guitare suit cette même voie. Ouverture et accessibilité mais avec classe !

Enfin, « Wake » vient boucler la boucle et refermer l’album dans un esprit plus tradi’, plus tranchant, plus « impérial » en quelque sorte ( un peu comme le premier titre ). Il est d’ailleurs incroyable de voir comment Ihsahn est capable d’enchaîner des passages noirs et agressifs avec des refrains mélodiques qui brillent au-dessus du marasme comme une balise lumineuse dans un ciel nocturne. Le tout sonne ultra-fluide et raffiné comme toujours, un des meilleurs titres de l’album.

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Ce nouvel album semble ouvrir un peu plus le style d’IHSAHN, il propose une musique élargie, il offre un gros panel d’influences, plus que sur ses sorties précédentes mais tout en gardant du cachet. C’est quelque chose d’assez difficile à expliquer : simple sans l’être, audible sans être FM, passionnant et mystérieux sans forcément être extrême ou « déviant ». « Àmr » est juste magnifiquement bien composé et méticuleusement produit.

Le résultat final est un concentré cohérent de variation stylistique. Avec les voix les plus douces jamais enregistrées par Ihsahn, avec des mélodies puissantes. « Àmr » est un éclat brillant d’un peu moins d’une heure, une petite perle qui scintille au milieu de l’obscurité, un mélange succinct et éclectique de différents styles avec une méthode d’écriture exploratoire et parfois surprenante qui le distingue de la masse. Certes, IHSAHN s’éloigne de plus en plus de la musique lourde et donc de ses racines mais il continue cependant d’évoluer pour mieux déployer ses ailes, il continue de muer pour rester fidèle à sa maturité artistique, c’est donc à chaque fois un plaisir de découvrir son travail…

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