[ Chronique ] HEILUNG – Ofnir ( Season Of Mist ) note : Níu

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Aujourd’hui on va s’attaquer à la réédition du premier album d’HEILUNG, un projet décrit comme néofolk mais surtout comme « amplified History » ou « Histoire amplifiée » pour les non-anglophones… Mais que peut bien cacher cette appellation ? Quel est le but de ce groupe et de ce projet ? Et pourquoi on en parle aujourd’hui ?

Tout d’abord et pour bien se mettre dans le bain, on va commencer par le commencement : HEILUNG signifie « guérison » en allemand et a été choisi afin de décrire au mieux le noyau sonore de ce trio danois. Le sujet du jour, « Ofnir », est leur premier album, il est en fait sorti l’année dernière ( et est passé relativement inaperçu ), il est aujourd’hui réédité sur le label Season of Mist.

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La particularité d’HEILUNG est d’essayer de faire renaître des sons, des sonorités et des rituels musicaux datant de l’Âge du fer, et plus particulièrement venant de la zone géographique du nord de l’Europe. Pour ce faire, le groupe a choisi d’utiliser les instruments que la nature ou la civilisation leur a légué : bruits de l’eau et des forêts, percussions sur éléments métalliques ou organiques, ossements animaux ou humains, épées et boucliers antiques reconstitués, anneaux de bronze, etc… Tout en y ajoutant les tambours et autres instruments à vent déjà existants ainsi que des voix et quelques machines modernes afin de créer les boucles ambiantes.

Pour plus d’immersion encore, toutes les paroles sont extraites de textes runiques, trouvés sur des pierres gravées, des manches de lance préservées ou encore des amulettes. Ces textes sont soit traduits, soit ré-interprétés, soit livrés in extenso sur la musique ; le tout est donc chanté en vieux germain, en anglais ou en norrois. Cela provoque un rendu relativement à la fois cosmopolite et déstabilisant, mais toujours ancré dans la culture historique européenne.

Vocalement, les chansons sont interprétées par Kai Uwe Faust qui varie entre des chants tantôt clairs, tantôt guerriers, tantôt murmurés, chuchotés ou hurlés, voire grommelés. Par ailleurs, il travaille aussi en étroite collaboration avec Maria Franz qui le complète grâce à sa voix féminine éthérée. Ainsi ces voix, ces sons, voguent et s’entremêlent dans une étrange complexité, avec pour toile de fond le rythme unique, intriguant et envoûtant des tambours. Poussant le dépaysement jusqu’à se grimer, les membres du collectif n’hésitent pas à se vêtir de peaux de bêtes, de coiffes ornées de bois ou de crânes, et se mettent en scène lors de rites païens.

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Pourquoi cette démarche ?

Pour se retrouver, se ressourcer, reconnecter l’Humain à ses racines pré-chrétiennes. À une époque où la musique, au-delà de toute forme de récréation, était considérée comme un remède, un rite de passage ; quelque chose qui rythmait la vie, qui englobait la communauté et qui transmettait la culture. À travers cette interprétation, ce voyage sonore mouvementé, cette musique et ces chants tentent de faire passer l’auditeur à un autre niveau, de le « soulager », de le guérir du monde actuel qui le terrifie, mais aussi de le faire revenir à l’essentiel, à son essence, au « pourquoi et au comment ». L’ambiance y est donc très particulière et peu commune, une véritable expérience primitive voire primaire, sombre et spirituelle. L’ensemble sonne minimaliste, brut et organique, on a vraiment l’impression d’assister à une cérémonie chamanique.

Ce qui nous dérange un peu ?

La longueur des passages parlés. Sans traduction ou sans guide. L’auditeur s’y perd facilement et peut finir par décrocher, alors qu’a contrario ces passages sont sensés expliquer et poser l’ambiance ritualistique. De même, si l’on admet que cela reste différent, on ne peut que noter l’arrivée soudaine de ce groupe parallèlement au succès et à l’émergence de groupes comme WARDRUNA, DANHEIMFAUN ( toutes proportions gardées ) ou encore des projets d’Einar Selvik et Ivar Bjørnson, SKUGGSJÁ et HUGSJÁ ( dont le nouvel album sortira aussi le 20 Avril ), et enfin du succès de tout ce qui touche de près ou de loin aux Vikings, au folklore scandinave, au Jeu de Trônes et j’en passe !

Bien loin des modes et des paillettes d’Hollywood, HEILUNG semble détaché de tout cela, sa musique n’étant pas franchement « accessible » au sens commercial. De plus, il garde une grande part de mystère de par sa mise en scène et a choisi d’adopter une démarche plutôt « historique » dans ses textes. Musicalement, le groupe ne copie pas bêtement les pontes du genre mais recherche et invente ses propres sonorités, va vers quelque chose de beaucoup plus tribal et ethnique… Que dire alors des accointances avec des groupes tels que DEAD CAN DANCE période « The Serpent’s Egg » ou « Aion » ? Selon moi, ils s’en démarquent grandement en allant plus loin dans l’approfondissement de la démarche, presque jusqu’à renouer avec certaines pulsions primaires de développement et de création artistique.

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Ce que l’on pourrait craindre ?

Une récupération politique évidemment ! Dans une Europe où la montée des extrêmes et le repli identitaire attire de plus en plus les foules, un groupe avec une démarche de « recherche historique », de retour aux racines pré-chrétiennes européennes et nordiques clairement affichée, ce genre de récupération pourrait être à craindre. Heureusement, HEILUNG s’en défend et ne revendique aucunement une quelconque supériorité culturelle occidentale.

Sur « Ofnir », on est plutôt dans l’évocation de sensations, d’odeurs d’humus, de tourbe, de contact avec les éléments naturels comme l’eau, le feu, la terre, le vent, dans le rassemblement et l’harmonie innée. Cette profonde volonté d’hybridation couplée à une recherche sonore ethnographique est sensée reconnecter l’Humain avec la Nature, sa biosphère et ce en dehors de toute considération d’origine.

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En cela, HEILUNG reste un projet original, unique en son genre, il offre un voyage authentique et méditatif. Une transe chamanique au cœur d’un monde balbutiant, d’un âge indistinct et malheureusement méconnu, où l’Histoire des Hommes n’est pas encore écrite mais contée, vécue, à travers des rituels élementaires et telluriques. Pour finir, je partagerai tout simplement le manifeste qu’HEILUNG choisit de transmettre au spectateur avant chacune de ses performances :

« Remember, that we all are brothers
 / All people, beasts, trees and stone and wind
 / We all descend from the one great being
 / That was always there / 
Before people lived and named it / 
Before the first seed sprouted… »

« Rappelons-nous que nous sommes tous frères / Tous les peuples, animaux, arbres et pierres et le vent / Nous descendons tous de l’Être Unique / Qui fut toujours là / Avant que les peuples ne vivent et ne le nomme / Avant que la première graine ne pousse… »

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