Chronique : ANNA VON HAUSSWOLFF – Dead Magic ( City Slang Records ) note : Black Hole Evaporation

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Commençons d’abord par planter le décor :

C’est en 2010 avec « Singing From The Grave » que l’on découvre le travail de la chanteuse et organiste suédoise, ANNA VON HAUSWOLFF. Avec pour base le piano, elle revisite une musique aux résonnances heavy, gothique mais aussi écrasante et d’une certaine manière épique. Pour cela elle n’hésite pas à enrichir son œuvre avec l’utilisation de banjo, orgue, cithare, guitares, violon et plus encore, sa voix unique et parfois étrange, suave mais révoltée, indomptable.

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Avance rapide. En 2015, elle sort « The Miraculous », un album qui marque une évolution vers quelque chose d’encore plus sombre, de plus « sévère » et de plus « théâtral ». Les ambiances et les atmosphères sont plus travaillées, sa voix se fait plus tempétueuse, plus rauque, plus rock. Les guitares sont mises en avant dans un embrouillamini drone-doom des plus seyants. Mais cette sorcière cinématographique en mue permanente n’en a pas fini avec nos conduits auditifs. Toujours en quête de nouveaux tours à nous jouer, c’est avec un nouvel album, « Dead Magic » qu’elle vient (re)prendre possession de ses adeptes…

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Et pour tout vous dire, ce quatrième opus vient confirmer ce que l’on pensait déjà d’elle. Il vient asseoir sa formidable réputation en tant que créatrice de mondes singuliers, entre magie noire et beauté gothique. Cette fois-ci, l’artiste a choisi de placer l’orgue et les nappes synthétiques au centre de son œuvre, mettant donc en sourdine les guitares et autres effets métalliques. De même, les rythmiques en crescendo et les mélopées oniriques placent nettement cet album dans le royaume de l’apesanteur, avec toujours ses structures en mille-feuille mais plus minimalistes, moins saturées dans l’ensemble.

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Avec « Dead Magic »ANNA VON HAUSSWOLFF ouvre un important chapitre, un pan de son être divisé en cinq voies solennelles mais passionnantes, le tout s’étendant sur 47 minutes intransigeantes et intenses pour l’auditeur. En contrepoids du son majestueux de l’orgue de Marmorkirken à Copenhague, l’album fait appel à un éventail d’influences et d’inspirations aussi improbables que pertinentes. Des explorations vocales intenses, du rythme implacable de « The Mysterious Vanishing of Electra » jusqu’à la liturgie intimiste de « The Marble Eye » et les images étranges, irréelles mais cruciales de « The Truth, The Glow, The Fall », tout est structuré et s’amplifie lentement. On n’hésitera donc pas à citer pêle-mêle YMA, SUMAC, SUNN O))), GYÖRGI LIGETI, mais aussi et surtout les SWANS qui sont certainement les plus grands héros de la mythologie sonore que l’artiste s’est créée…

Une proposition en cinq équations donc pour cette théorie des orgues, cinq voies tordant le temps et l’espace. Du moderne au post-moderne, du baroque en passant par le moyen, ANNA VON HAUSSWOLFF nous mène par tous les âges. Une épopée astrale entre globe gazeux et globe tellurique qui nous fait traverser, comme ivre de sensations, la lumière la plus sombre ou le trou noir le plus lumineux. À chacun donc d’y imaginer, d’y trouver, ou de ne pas y trouver de réponses. Car « Dead Magic » a été conçu à la base pour sauver sa propre créatrice, pour contrer son manque d’inspiration et ses errances cérébrales. Pourtant, on ne peut qu’être surpris tant son art sonore viscéral pénètre, touche plusieurs plans et plusieurs dimensions parfois insondables, qu’elles soient sonores, temporelles ou sensorielles.

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Ses mots flottant comme des nuages, ses clefs-nuées, viennent frapper, moutonner ou tempérer les firmaments. La mélodie, tantôt susurre, tantôt parle ou crie, et se répercute de manière diamétralement différente pour chacun. Dans ces instants, elle prend par ailleurs toute sa force. Dans cette universalité sentimentalement hétérogène et flagrante, elle vient secouer, perturber l’auditeur, intérieurement comme extérieurement. À bord de cette caravelle céleste et translucide nommée « Dead Magic », ANNA VON HAUSSWOLFF réussit avec grâce, d’un battement d’aile, à traverser de part en part et à engraver le vif. Corps et âmes.

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