Chronique : CONVERGE – The Dusk In Us ( Deathwish / Throatruiner ) note : 13/13

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Ces cinq dernières années tout comme ces cinq derniers millénaires ont été plutôt difficiles pour l’humanité. Après avoir été à plusieurs reprises confronté à l’horreur avec un grand H et à un climat politique désastreux, le monde ne ressemble aujourd’hui plus qu’à une montagne de frustration, de tristesse, de colère et de haine – sentiments que seul peu de groupes sont capables de canaliser et de retranscrire avec autant d’intensité que CONVERGE. Alors, quand en Juillet, le groupe a lâché son EP « I Can Tell You About Pain », le premier depuis « All We Love We Leave Behind » ( 2012 ), tout ce que j’avais envie de dire était : « Putain ! Enfin ! ». Tout ceci n’était pourtant pas si limpide dans les faits parce qu’après une demi-décennie sans musique et avec les projets personnels de chacun des membres du groupe, la direction qu’allait prendre CONVERGE semblait plutôt incertaine. Mais l’écoute de « The Dusk In Us » a vite remis tout le monde sur les rails car il s’avère être avant tout du pur CONVERGE, une explosion impitoyable d’agressivité et d’énergie couplée à une œuvre d’art complexe, bourrée d’émotions.

Produit et mixé par le guitariste Kurt Ballou ( qu’on ne présente plus ) qui, malgré son travail de producteur incessant, reste le meilleur pour définir le son de CONVERGE, cette masse universelle sombre et sensible. Avec « The Dusk In Us », le moins que l’on puisse dire est que les Bostoniens frappent extrêmement fort et avec toutes les nuances possibles. On sent bien que le groupe a intériorisé une forme de douleur et de lourdeur totalement indépendante du bordel implacable qu’il arrive à produire sous nos yeux.

L’album débute sur le frénétique « A Single Tear », brut et évoquant l’urgence. Typiquement « convergien », il traite en fait de la primo-paternité de Bannon ( « When I held you for the first time, I knew I had to survive, As a single teardrop fell » ), il est le reflet de la dualité des sentiments du groupe, à la fois un souvenir émouvant et certainement l’un des titres les plus viscéraux du groupe. Bien que cette dualité ne soit pas nouvelle chez CONVERGE, la façon dont le groupe a réussi à fusionner de manière experte un sentiment euphorique avec une catharsis au vitriol illustre parfaitement pourquoi CONVERGE reste, selon moi, un groupe largement au-dessus de ses contemporains et surtout totalement versatile.

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Et les exemples sont légion : Comme la ballade sinistre « The Dusk In Us » où l’on retrouve l’atmosphère étonnamment sombre et étouffante du projet post-rock de Bannon, WEAR YOUR WOUNDS ( cf. notre chronique ), plus de 7 minutes et une structure musicale « style Stairway to Heaven ». Ce titre démontre une fois de plus les talents uniques du groupe dans sa capacité à créer de longues chansons tentaculaires construites à grands renforts de vagues post-rock accablantes.  De même que « Thousands Miles Between Us » vient écraser les coeurs les plus récalcitrants avec une section rythmique et un refrain déchirant. ( « There is no place in this world to hide, My shattered smile that life provides, Stand up straight take it on the chin, Pick up my teeth and start again, Just start again » ).

Mais bien évidemment, les Bostoniens sont aussi capables de vous déchiqueter en quelques secondes s’ils en ont l’envie… Que ce soit avec le refrain puissant d’« Under Duress », avec la thrashcore « Reptilian », avec le d-beat frénétique et les vocaux précipités de « Wild Life » ou encore avec le trio « Trigger », « Broken by Light » et « Cannibals » qui embrassent chacune leurs propres saveurs musicales ; tantôt groovy et implacable, tantôt véloce et hurlant avec des riffs à la limite d’un SLAYER, le groupe ne recule devant rien.

Pour pousser encore plus loin la plongée dans cet album, je dirai que la plus grande évolution vient, cette fois, des voix. La chose apparaît clairement dès le premier titre : un changement de ton pour un rendu plus compréhensible. Jacob Bannon se met en avant, « s’impose » et dépasse ses aboiements signature, se transcendant pour mieux nous offrir des voix claires qui viennent s’articuler autour des hurlements et donner encore plus de contenu émotionnel à l’album. Car, quand Bannon crie et décrit ses monstres intérieurs, ses guerres futiles et son royaume de l’ombre, il est difficile de ne pas le croire et de ne pas se reconnaître un peu en lui et en ses douleurs.

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C’est donc bien la croissance, la dualité et la mutation permanente qui marquent ce nouvel et neuvième album. Continuer à s’améliorer, à mûrir et à captiver, tout en demeurant impitoyablement sauvage, lourd, brutal et surtout en restant vivant. Ce sont ces deux côtés de CONVERGE qui brillent tout au long de l’album. En cela, « The Dusk In Us » est non seulement une attaque vicieuse sur vos sens, mais aussi sur votre conscience, mettant plus que jamais l’accent sur le message, sur la douleur et le désespoir d’un monde qui s’effondre. Une nouvelle peau épaisse et insaisissable donc pour ces apôtres de l’anti-conformisme, qui se réinventent sans se dénaturer, qui redéfinissent les contours de leur noyau dur en nous offrant la bande sonore parfaite de notre apocalypse intérieure.

 

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