Interview : ADAGIO – Retour vers Underworld !

Lors du Hellfest nous avons eu la chance de rencontrer Stéphan Forté, l’homme à l’origine de l’un de nos emblèmes nationaux sur le terrain du prog : Adagio. Il aura fallu attendre 7 ans pour que Adagio revienne sur le devant de la scène avec son nouvel album intitulé Life. Durant cet entretien, Stéphan nous explique tout: qu’est-ce que Adagio? Que s’est-il passé? Comment est conçu le retour? Une discussion souvent dans l’intime qui a fait de cette interview un moment particulier auquel nous vous invitons.

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Que peux-tu nous dire sur Life au regard de la discographie d’Adagio?

On est revenu à quelque chose de beaucoup plus prog et atmosphérique. Les deux derniers albums comportaient des titres pas très longs et très structurés. Pour celui-ci je ne voulais pas me fixer de limite au niveau de la composition et c’était la seule condition pour moi pour revenir vers Adagio parce que j’ai fait une pause, j’en avais besoin. Je m’étais lassé de ce que devenait Adagio. J’avais plus envie.

Pour moi Adagio au départ c’était de la musique sans compromis: si j’avais envie de faire un solo pendant 5 minutes, ce qui n’est pas le cas, ou faire une intro de 5 minutes, je le faisais. Et au fur et à mesure ça a évolué vers quelque chose de plus formaté. On a signé avec un gros manager qui s’occupait d’Arch Enemy et d’Iron Maiden. Et forcément quand un mec comme ça te propose de faire le management, tu y vas et tu te dis « j’écoute et je fais« . Et en fait l’objectif était de faire d’Adagio une sorte de Nightwish avec du chant masculin, quelque chose d’hyper commercial. Sur le coup j’ai voulu essayer, pendant 3 ans j’ai essayé, mais c’était tellement pas ce que j’avais envie de faire que j’ai craqué, j’ai arrêté.

Et comme je voulais revenir à ce que j’aimais vraiment, j’ai fait un album instru. J’ai tellement aimé que j’en ai fait un deuxième d’affilé au lieu de faire le nouvel d’Adagio. Et mon bassiste a beaucoup insisté, et au bout d’un moment il a eu les arguments : je me suis dit qu’il fallait que je conçoive Adagio comme mes albums solos, c’est à dire sans compromis mais juste avec des chants… Alors pourquoi pas. Et comme mes sponsors me parlaient aussi beaucoup d’Adagio, je me suis dit on va essayer. Et donc là je suis revenu à Adagio, mais à ce que c’était vraiment à la base.

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Tu veux dire qu’on revient à du « Underworld » ?

C’est exactement ça. Mais je préfère prévenir, c’est Underworld 2017. Si c’est pour refaire la même chose, pour moi il n’y a pas vraiment d’intérêt… J’étais exactement dans le même état d’esprit qu’Underworld, à part que les influences forcément évoluent. C’est donc beaucoup plus moderne, avec plus d’influences, et avec un autre concept. Underwold c’était vraiment le fin fond de la dépression, j’étais vraiment au fond. Et plus je composais dans ce sens là plus ça me tirait vers le bas…

Underworld est un album hyper personnel…

Ultra personnel… Et Life du coup, c’est la même chose mais avec une autre approche plus positive, et sur un sujet beaucoup plus vaste en fait qu’est la vie. L’autre c’était plus la solitude, l’isolement… Et là c’est la vie, avec la solitude aussi, il y a une chanson qui parle de ça qui aurait pu être sur Underworld. Mais vraiment dans l’ensemble, c’est la même chose avec 10 ans de plus.

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On va donc vers quelque de plus rayonnant qu’Underworld.

Ça dépend des titres. La musique est toujours sombre parce que c’est la musique que j’écris. Mais le concept est beaucoup plus positif. C’est la vie, donc il y a de tout: l’amour, la naissance, la mort, la peur, les expériences…

Sur le line-up, il y a donc eu aussi du mouvement

Oui chacun est parti de son côté et a voulu faire d’autres trucs depuis. Le batteur est parti jouer avec Bertignac, en plus il s’est éloigné du style, et donc on a pris un nouveau batteur: Jelly Cardarelli. On a ajouté une violoniste, Mayline, qui apporte une couleur ethnique vachement intéressante. Et au chant Kelly Sundown Carpenter. On avait jamais fait d’album ensemble, bien qu’on ait joué plusieurs fois ensemble. A chaque fois on voulait mais comme il était aux Etats-Unis ce n’était pas possible. Puis il a déménagé en Belgique, ça a été l’élément déclencheur.

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On parle de prog moderne, comment tu te situes par rapport au djent ?

C’est pas vraiment mon truc pour plein de raisons. Si je les explique je vais me faire défoncer dans tous les sens par tous les fans de djent, mais bon quoi qu’il en soit on se fera défoncer par les fans de djent donc c’est pas très grave! En fait j’aime bien prendre des éléments dans chaque style, et dans le djent j’aime bien le côté « tight » de l’ensemble, vachement précis, etc. Au final c’est du prog, c’est juste qu’on l’appelle djent parce que la façon de le faire varie : au lieu de faire les riffs en « power cordes » tu les fais en « single note », t’étouffes vachement, tu joues beaucoup plus en syncop et en triple croches mais si non c’est quasiment la même chose. Enfin pour moi ça reste du prog. En fait pour la définition de prog c’est créer des atmosphères, peu importe le temps de la chanson, avec des éléments et des influences complètements différentes.  Le djent c’est juste une influence sur certains titres : « Subrahmanya » et « Darkness Machine » par exemple. Et sur les autres beaucoup moins.

Les amateurs de djent pourront quand même se reconnaître dans ce nouvel album?

Non, je pense pas. Les amateurs de djent son un peu fermés, je mesure ce que je dis hein (rires)… Et donc de toute façon à partir du moment où le chant et les atmosphères sont comme ça, de toute façon ça ne sera pas accepté par ce public là. Ils aimeront peut être certains riffs mais il ne le diront pas !

Adagio représente pour moi un mouvement prog qui a connu un grand succès au début des années 2000, et aujourd’hui la mode est au djent. Est-ce que la base de fans de la première heure est quand même toujours fidèle ou au contraire tu te fais écraser par ce nouveau mouvement ?

Non je ne me sens pas du tout écrasé. En fait ce qui est assez énorme, et ça c’était une énorme surprise, c’est que les gens qui suivent Adagio depuis le début sont toujours là. Et c’est ça qui fait qu’on a eu des résultats en faisant le crowdfunding pour cet album. Honnêtement on avait demandé 15000€, je pensais qu’on arriverait même pas à 10000€, je pensais qu’on ferait 8000€, et on est arrivé à environ 27000€. Et ce sans avoir rien fait pendant 7 ans en fait. Et ça, ça boost aussi, quand t’es pas sur de ce que tu fais et que les gens sont toujours là, qu’ils aiment vraiment ta musique, ça fait réfléchir.

A propos du crowdfunding, j’ai l’impression que les gens se sentent plus impliqués en acquérant l’album de cette manière. Est-ce que c’est une conception que tu rejoins?

Alors le crowdfunding au départ quand ça a commencé c’était très mal vu parce qu’en fait ça faisait le groupe mort de faim qui a besoin de tunes pour faire ses trucs. Puis ça s’est démocratisé, quand on voit que Megadeth fait du crowdfunding… Ou encore Annihilator, des groupes comme ça. Ça s’est vachement démocratisé en fait. Et le concept est vachement bien dans le sens où il n’y a pas d’intermédiaire entre l’artiste et le fan. Le fan n’en à rien à foutre du label. Le fan tout ce qu’il veut c’est acheter la musique qu’il aime de l’artiste qu’il aime. Donc je me suis dit, pourquoi est-ce qu’on irait pas directement traiter avec les fans? C’est gagnant pour tout le monde. Et pour moi plus ça va aller, plus ça va être indépendant. Les labels maintenant font d’ailleurs des deals à 360, touchent de la tune sur tous les départements pour compenser le manque de vente. Çà veut bien dire ce que ça veut dire, être indépendant c’est peut être le mieux pour gagner de l’argent en fait.

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Pour revenir à cet album, est-ce que tu considères que c’est ton album le plus abouti?

Oui.

Y compris par rapport à tes albums solo ?

Y compris par rapport à mes albums solo même si je suis allé les chercher vachement loin aussi, Life je suis vraiment allé le chercher très loin… Il m’a bien défoncé. J’ai passé énormément d’heures dessus et en plus quand tu vas chercher dans tes sentiments profonds, ça te fait mal aussi des fois.

C’est très introspectif.

Hyper. En fait c’est ma façon de concevoir la musique. C’est aussi pour ça que dans Adagio je compose tout de A à Z. C’est pas parce que je suis un dictateur ou quoi que ce soit, c’est juste parce que j’ai une idée tellement précise de ce que je veux faire… Le moindre truc que t’enlèves, ça peut enlever beaucoup de choses. Donc oui c’est hyper personnel. Donc en résumé oui cet album est clairement le plus abouti.

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A propos du clip qui est sorti récemment pour le titre « Darkness Machine« , que peux-tu m’en dire?

Alors c’est un peu particulier. On a choisi ce titre parce qu’il était peut être un peu plus metal que les autres dans le sens où il est un peu plus basé sur des riffs, avec un format un peu plus traditionnel aussi, et en même temps il comporte de nouvelles couleurs avec le riff un peu djent de l’intro, le côté technique d’Adagio, l’accordage vachement bas et le côté un peu dark… Donc on a choisi ce titre. Et le truc qui est assez fou c’est que j’étais dans une période où on avait un concert à préparer alors qu’on avait pas fait de concert depuis longtemps, on devait finir l’album alors qu’on était très en retard, je ne pouvais pas m’occuper de ce clip. Du coup c’est ma copine qui a fait toute la réalisation. Quasi intégralement. Après elle me faisait valider mais c’est elle qui a tout géré de A à Z, elle a géré l’équipe de prod, elle l’a trouvé, etc.

Elle travaille dans ce domaine?

Non, elle est illustratrice et modèle. Mais elle a une grande vision de la direction artistique, et elle travaille en tant que directrice artistique sur certains shootings de mode, donc elle a quand même une expérience mais ce n’est pas son domaine. Et là elle l’a pris, et elle l’a amené de A à Z toute seule. Elle a recruté tout le monde, elle a tout fait. Il y a un travail colossal. J’aurais pas pu le faire, dans le temps imparti c’était impossible, et elle a déployé tout l’énergie que moi je ne pouvais pas déployer.

Une tournée est prévue?

Alors comme il y a eu 7 ans d’absence, honnêtement démarcher là les promoteurs avant même qu’on ait tout le matériel, le nouvel album, la promo, ça aurait été n’importe quoi parce qu’ils seraient restés sur ce qu’ils connaissaient d’Adagio qui date et donc qui n’est pas valable. Donc j’ai préféré dire à mon agent on attend, quitte à tourner en 2018, mais on a quelque chose à fournir au promoteur on ne part pas comme ça… Donc là pour l’instant on travaille dessus.

C’est l’objectif ?

L’objectif pour moi c’est de relancer la promo, faire revenir le groupe devant et à partir de là réenclencher le truc. En fait j’ai une idée très précise de ce que je veux faire, et j’essaie de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Je veux pas me couper l’herbe sous le pied.

Hellfest l’année prochaine?

Peut-être, encore que c’est un peu tard là, quoi que, je ne sais pas. Peut-être !

Remerciements @ Stephan Forte, Hellfest Production, Roger

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