Chronique : DER WEG EINER FREIHEIT – Finisterre ( Season of Mist ) note : 9,5/10

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On le savait, on l’avait dit, DER WEG EINER FREIHEIT est devenu en quelques années un des meilleurs groupes de black metal moderne. Et ce n’est pas avec son nouvel opus, « Finisterre » que cette impression tenace va s’estomper…  Après  « Stellar »,  paru en 2015, qui avait été perçu au départ, comme une oeuvre sublime de beauté noircie tirant vers le post, a fini par devenir « le nec plus ultra du black metal moderne ». Ce quatrième opus amène, lui, le quartet de Würzburg vers un nouveau pallier, audacieusement viscéral, plus complexe dans son approche, mieux produit et surtout d’une violence émotionnelle inouïe.

Au programme de cette longue épopée, cinq titres seulement ( on pourrait même dire quatre avec « Skepsis » livré en deux parties ) qui se déclinent sur environ 45 minutes. Des titres-fleuves aux longueurs immédiatement frappantes mais cependant exceptionnellement bien conçues, pas nécessairement remplies d’un débordement d’idées « type fourre-tout » mais avec chaque idée individuellement développée jusqu’à sa conclusion ultime. De plus, « Finisterre » est doté d’un travail de production fantastique qui accentue la sauvagerie avec clarté. Les guitares y sont mordues par le gel, mais absolument pas boueuses ou brutes, la batterie tonne mais n’assourdit pas, on est dans l’équilibre parfait. Il sera donc nécessaire de prendre son temps avec DER WEG EINER FREIHEIT afin d’arriver à saisir toutes les nuances et toutes les subtilités, à s’en délecter comme d’un bon livre, d’un bon récit où les rebondissements se font attendre mais sont terriblement bouleversants…

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Après une introduction solennelle en allemand, « Aufbruch » vient logiquement déployer ses ailes noires sur fond de blast beats, de riffs lancinants aux mélodies sombres et de chants black rageurs qui viennent sublimer l’ensemble et nous entraîner, d’emblée, dans une spirale de violence musicale qui ne s’arrêtera plus. Au contraire, cette agressivité ne fera qu’évoluer, que se moduler, courant vers le plaintif et le mélancolique pour mieux nous exploser le coeur et le corps. On note ici l’utilisation de chant clair/choeur comme support pour souligner les cris de Nikita Kamprad, chants clairs qui mèneront le titre à son apogée, comme des plaidoyers tirant vers les cieux.

Tandis qu’avec « Ein Letzter Tanz » qui se veut encore plus longue et imposante ( à peu près quatorze minutes au compteur ), on a droit au titre le plus ambitieux que le groupe ait composé jusqu’à maintenant : racé, presque minimaliste mais empreint d’un catharsis flamboyant et d’une dextérité impressionnante. C’est d’ailleurs sur ce postulat que commence l’instrumental  »Skepsis Part I » nous offrant une montée en puissance d’une intensité presque imparable, quasi post-rock, annonçant les prémices de la Part II. Les deux titres enchainés et inséparables donnent une composition unique mais variée, la Part II étant bien plus véhémente et terre à terre, nous faisant retomber, sans avertissement, dans la barbarie black absolue.

Enfin, la cinquième et dernière piste, la bien-nommée « Finisterre » est, d’une certaine façon, la chanson la plus traditionnelle, la plus black metal. Sans merci, avec sa ligne de basse nerveuse et ses guitares acérées, elle apporte les références au black traditionnel et old-school, même si dans la seconde moitié, elle subit aussi une métamorphose, réintégrant toutes les touches progressives mélodiques (quelques violons de-ci de-là ), éloquentes et élégantes que le groupe affectionne. Ce tout, cet ensemble de 13 minutes porte l’album à son point culminant où seul le ressenti, l’émotion compte.

Alors que « Finisterre » se détache un peu plus de ses pairs en se concentrant sur une approche et un son exclusif, il marque clairement le point de départ où DER WEG EINER FREIHEIT transforme ses différentes influences en un travail entièrement de sa propre expression. On retrouvera, comme une évidence, toujours ce côté psychédélique et mélancolique de DEAFHEAVEN, de WOLVES IN THE THRONE ROOM ou ce côté black belliqueux et cru à la MARDUK ou DARK FUNERAL car, à aucun moment, les Allemands ne tentent de dissimuler leurs racines et leurs influences, ils ne font que les mélanger efficacement, afin d’atteindre cette mayonnaise sombre, parfaitement onctueuse, riche et gourmande. Avec cet album, DER WEG EINER FREIHEIT monte d’un cran son niveau musical, artistique et technique en nous proposant une oeuvre aboutie sur laquelle les titres s’enchaînent en toute logique, sans accroc. Le groupe a trouvé un moyen de rendre ces pièces plus accessibles ou en tout cas de mieux les adapter. Musicalement, Ils ont transcendé leur capacité à produire des compositions aussi black que mélodiques et des atmosphères dépressives sans recourir à aucuns trucs ou astuces que le simple fait de jouer leur musique.

En conclusion, on peut dire que DER WEG EINER FREIHEIT rime désormais clairement avec « évolution » et que « Finisterre » a été conçu dans le seul but d’ouvrir de nouvelles opportunités créatives, le groupe « essaye donc d’y améliorer sa perfection », chose qu’il réussit avec brio.

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