Chronique : BORIS – Dear ( Sargent House ) note : Séisme M 9

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J’adore absolument BORIS et pourtant suivre leur carrière discographique et leurs pérégrinations « expérimentatoires » est loin d’être de tout repos. Cela s’apparente plus à un dédale musical entre chefs d’œuvres, collaborations, splits, explorations soniques et autres lives qu’à une promenade de santé. De nature extrêmement prolifique, démesurée et abusive, le trio japonais a sorti pas moins de 23 albums au cours des 25 dernières années, un assaut musical qui fait parti intégrante de son concept. N’hésitants aucunement à partir dans tout les sens, nos Tokyoïtes préférés ont même réussi à percer dans les courants rock plus mainstream avec le magnifique et entraînant « Pink » sorti en 2005. 10 ans plus tard et juste après avoir célébré l’anniversaire du dit « Pink », on voit BORIS faire un retour en arrière, à ses racines, délaissant ainsi le shoegaze et ses riffs « roses » mélodiques pour se re-concentrer sur son essence. Ce 23ème album, « Dear », voit donc les nippons revenir à un rythme plus méthodique, lourd et lent. Sensé annoncer un adieu à la scène, « Dear » aurait finalement, selon le label Sargent House, redonné du baume au coeur au trio pour continuer l’aventure…

D’emblée je peux vous le dire « Dear » ne sera pas l’album de l’été ( exit La Macarena ) mais bien un gros tsunami sonore, un condensé maitrisé d’ultra heavy-drone, de fuzz et de voix sibyllines haut-perchées. L’album nous ramène immédiatement aux monumentaux « Amplifier Worship » et « Dronevil », avec certes plus de maturité, donc moins brut et dépravé. Comme un signe clair de cette humeur « rétrospective », une des pistes-clé est prénommée « Absolutego » rappellant à ses géniteurs le premier album du groupe paru sous le même nom en 1996 ; un album ne contenant qu’une seule piste pour 60 minutes de musique. Mais cet « Absolutego » là est bien la seule piste de « Dear » a avoir ce côté rock stoner-garage contagieux et entraînant qu’on aimait tant sur « Smile » ou « Pink ».

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Et pourtant la première phrase qui accompagne la promotion de « Dear » est une citation du groupe : « Nous ne nous sentons pas à l’aise quand on entend dire que « Dear » est un retour à notre style lent et heavy », « Nous avons toujours été heavy, depuis le premier jour. » Et ce n’est pas faux car d’ « Absolutego » en passant par « Flood », « Heavy Rocks », la rage punk de « Vein », les assauts psychédéliques du fond d’« Akuma no Uta » jusqu’à la puissance garage de « Pink » et le « sinistre » « Attention », les albums de BORIS ont été toujours une recherche permanente du nivelage de son auditoire. Avec « Dear », le groupe nous offre donc un album décrit comme « paradisiaque et bien au-delà de la notion heavy ». Cependant, et quoi qu’en disent ses protagonistes, à l’écoute, cela se révèle être un des albums les plus lents et le plus lugubres depuis « Amplifier Worship ». Mais inversement cela parait aussi être un des plus beaux depuis « Flood ». On retrouve une cohérence, un ensemble musical, un flux s’écoulant sur 70 minutes. En comparaison, les dernières livraisons du groupe s’apparentaient plus à un marasme sonore donnant parfois l’impression d’écouter une mix-tape.

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L’album s’ouvre sur les drone « D.O.W.N. (Domination de Waiting Noise) » et  « DEADSONG », qui, avec leurs rythmes monolithiques, viennent donner le ton. Peignant sur cette toile de fond bruitiste et massive, le trio projette, éclabousse et se noie dans les mélopées post-rock. Si « Kagero » nous plonge dans une ambiance sous-marine et éthérée, les choses sont accélérées avec « Absolutego » piquant, sludge et viril ou même écrasée et piétinée sous un mille-feuille de fuzz avec « The Power ». Du léger et contemplatif « Beyond », où l’on retrouve la voix sucrée aérienne de Wata ( guitare/chant ), au plus épique « Memento Mori » en passant par la très pop-trip hop « Biotope » ou l’épopée douce et plaintive « Dystopia (Vanishing Point) », on est en permanence tiraillé aux confins de ce que sait faire BORIS : du riff mordant, graisseux, sirupeux et des mélodies séraphiques.

Au final on peut vraiment dire que chaque titre se veut fort et personnel, qu’il possède son ambiance propre et pourtant cohérente dans son ensemble. Ni trop sucré, ni trop salé, ni trop amer, ni trop acide, « Dear » est umami, savoureux et entêtant. Il ne ressemble en tout cas absolutegoment pas à un adieu aux fans… D’après mes lectures, il aurait d’ailleurs été composé à partir d’environ trois nouveaux albums que BORIS aurait écrit juste après la tournée anniversaire de « Pink ». J’ose donc espérer que le groupe se remette au travail et qu’il soit tout aussi prolifique, inspiré et surprenant que durant ces 25 dernières années.

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